Éclairage

Loi « Airbnb » : quels impacts sur l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation ?

26/11/2024

Eclairage de Dimitri Correia, notaire chez KL Conseil

Loi « Airbnb » : quels impacts sur l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation ?

La loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024, communément appelée loi « Airbnb », modifie en profondeur l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation. Ces nouvelles dispositions visent à mieux réguler les meublés touristiques dans les zones dites « tendues », mais elles entraînent également des changements significatifs pour les propriétaires et investisseurs immobiliers.

 

Voici les points essentiels à retenir :

[1] Une extension du champ d’application géographique

Désormais, toutes les communes situées en zones tendues, telles que listées par le décret n° 2023-822 du 25 août 2023, sont concernées et dès lors que ces communes auront soumis à autorisation préalable le changement d’usage des locaux d’habitation. 

L’article L. 631-7 ne s’applique donc plus exclusivement aux communes de plus de 200 000 habitants et aux départements 92, 93 et 94.

Cette réforme maintient la possibilité, pour les autres communes, d’appliquer sur option cette législation, dès lors qu’il sera justifié d’un déséquilibre entre l'offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant.

 

[2] Une redéfinition de l’usage des locaux d’habitation

Jusqu’à présent, un local était réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. En pratique, cette preuve était principalement rapportée par l’analyse des fiches de révision foncière (modèles H1, H2, C) établies notamment au cours de l’année 1970. Toute faille de ces fiches (fiches non datées ou non signées, fiches barrées ou annulées, fiches généralement souscrites en octobre 1970, etc …) avait pour conséquence de fragiliser la preuve de l’usage d’un local, et les collectivités territoriales se faisaient régulièrement débouter par la Cour de Cassation faute de pouvoir rapporter cette preuve au 1er janvier 1970 précisément.

Désormais, le législateur, dont l’objectif est de contrecarrer la jurisprudence de la Cour de Cassation en facilitant la charge de la preuve, a remplacé la date unique d’appréciation de l’usage du local au 1er janvier 1970 par l’introduction d’une double périodes de référence :

  • Premièrement, une période élargie du 1er janvier 1970 au 31 décembre 1976 inclus,
  • Deuxièmement, une période glissante de 30 années précédant la demande d'autorisation préalable au changement d'usage ou la contestation de l'usage dans le cadre d’une procédure contentieuse. 

Dorénavant, un local sera réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au cours de l’une ou l’autre des deux périodes de référence. 

Inversement, un local sera désormais à un usage autre que l’habitation s’il n’a jamais été affecté à l’habitation pendant ces deux périodes de référence.

 

Quels impacts pour les propriétaires et investisseurs ?

La loi « Airbnb », dont la finalité était de réguler le développement des meublés de tourisme, va en réalité considérablement changer la donne pour tous les propriétaires, bien au-delà donc des seuls loueurs de meublés de tourisme :

  • d’une part, la réécriture de l’article L. 631-7 pourrait être de nature à modifier l’appréciation de l’usage des locaux qui aura déjà été faite avant l’entrée en vigueur de la loi « Airbnb », et met ainsi en risque les actifs déjà redéveloppés à usage autre que l’habitation (puisqu’il faut désormais s’assurer que lesdits locaux n’ont pas été à usage d’habitation au cours des deux périodes de référence précitées),
  • d’autre part, pour les opérations futures, les difficultés probatoires liées à l’étendue des périodes de référence ne manqueront pas de s’intensifier et aggraveront l’insécurité juridique des cessions immobilières et des éventuelles garanties à apporter à l’acquéreur. 

Cette insécurité juridique est d’autant plus pesante lorsqu’on sait que la sanction du non-respect de cette réglementation est la nullité de plein droit des accords.